Porteurs : F. Fauquier, J. Bord, G. Lepan, M. Blaise, A. Bérenger, A. Bourgain
« Ne rien faire est la première et plus forte passion de l’homme après celle de se conserver » affirmait Rousseau, dans son Essai sur l’origine des langues. Est-il si désirable de ne rien faire ? Il y a bien une jouissance de soi dans la paresse, un idéal qui se cristallise dans le folklore médiéval du pays de Cocagne, mais cette jouissance ne risque-t-elle pas de se pervertir en ennui ? Entre paresse et acédie, la frontière est poreuse. L’inaction est-elle, d’ailleurs, véritablement un fait anthropologique ? Ne sommes-nous pas, contrairement à l’affirmation rousseauiste, traversés par un désir permanent de débordement sur le monde, le désir de descendre dans l’arène du réel afin d’y laisser notre marque ? Ne sommes-nous pas aussi travaillés par une inquiétude fondamentale qui rend le repos inaccessible ? Est-il même possible de ne rien faire ? En existant, par l’acte d’être, ne sommes-nous toujours pas déjà en train d’agir ? Ne rien faire serait peut-être l’ouverture à une expérience de l’abandon de soi dont la forme paradigmatique pourrait s’incarner dans la passivité mystique ou du moins dans une forme de détachement ou de déprise – dont le corrélat implicite serait l’acceptation de l’ordre du monde. Pourtant, ne rien faire n’est-il pas aussi une forme de résistance au monde et à ses exigences, dans le refus du travail, dans l’expérience de la grève, encapsulés dans la célèbre formule de Bartleby : « I would prefer not to ». L’inaction pourrait bien être le grain de sable qui grippe l’injonction à la productivité, ce par quoi se révèle que l’ordre du monde ne fonctionne que sur le consentement de ceux qui s’y soumettent. Plus encore, le retrait de la vie active au bénéfice du « loisir », skholè, otium, pourrait même être le lieu où l’homme s’accomplit dans l’exercice de la pensée. Cet idéal d’une vie de loisir ne conduit-il pas nécessairement à décharger le poids du travail et de l’effort sur autrui ?
Il s’agit de comprendre comment la pensée occidentale a compris l’inaction ; il faudra pour cela questionner les catégories métaphysiques par lesquelles on pense l’agir, notamment par son autre (acte et puissance, praxis et theôria, mouvement et repos), penser les multiples formes que prend l’inaction, repos, paresse, contemplation, ennui, vagabondage, attente, mélancolie, irrésolution, grève, procrastination, retraite, sommeil, acédie, passivité, fatigue, désœuvrement…
Dernière mise à jour : 06/05/2025