Thèmes de recherche 2025 - 2030

La trajectoire de l’équipe, toujours articulée autour de ses quatre thèmes complémentaires, sera vectorisée par la nécessité de mettre en crise le concept même de crise, ainsi réinterprété à la lumière des dynamiques sociales, territoriales, culturelles ou écologiques. La réinterprétation du concept de crise comme catégorie conceptuelle ouvre à une forme d’agentivité épistémique et esthétique, en ce qu’elle permet de repenser les cadres d’analyse existants et de produire de nouveaux régimes de lisibilité du changement social, politique ou symbolique mais aussi de reconfigurer les régimes de perception et de sensibilité et donc de narration ou de composition. La démarche permettra non seulement d’éclairer les logiques actuelles de rupture ou de transformation, mais aussi de relire les crises historiques, leurs régimes de représentation, ainsi que les dynamiques de construction du lien social et des territorialités. Ce déplacement conceptuel opère ainsi comme un instrument de reconfiguration des cadres interprétatifs hérités, en articulant historicité, symbolisation et intelligibilité du changement à travers ses différents registres de représentation (récits historiques, littéraires, artistiques, mais aussi les modes d’éducation et tous les cadres normatifs, administratifs, policiers…).

Societas analysera les mécanismes de légitimation et de mise en ordre du lien social à travers ce prisme. Le programme explorera les transformations sociales, politiques et culturelles en réinterrogeant les catégories traditionnelles (religion, ordre social, identité, action), pour mettre en lumière les formes des subjectivités collectives (nouvelles ou cachées, réprimées ou secondaires…), ainsi que les conflits interprétatifs qui nourrissent à la fois la production et l’intention sociale. L’enjeu est de comprendre comment la perception des crises affecte la construction du lien social, en déstabilisant les structures collectives et les cadres conceptuels par lesquels les sociétés se représentent elles-mêmes.

Imperium continuera d’analyser les processus complexes de composition des territoires, à partir de leurs dimensions sociales, politiques et culturelles. En réponse aux bouleversements contemporains tels que la guerre, le changement climatique, ou les mutations des frontières, cependant, les différents programmes interrogeront l’adéquation des catégories classiques (guerre/paix, centre/périphérie, local/global) au nouveau partage des lisibilités du monde.

Quid Novi ? interrogera directement la notion même de crise et sa compétence en tant que forme de lisibilité de l’évènement en revenant sur les définitions classiques de la notion qui en font un événement ponctuel. En articulant la crise à la notion d’écart – entendu comme désajustement productif entre formes, temps, langages ou savoirs, cadre épistémologique structurant les régimes de lisibilité du changement –, il s’agira de déplacer l’analyse vers les zones d’indétermination où se rejouent les tensions entre ancien et nouveau, héritage et invention, continuité et discontinuité. Cette mise en tension permettra d’examiner comment les productions littéraires, philosophiques, historiques et artistiques rendent sensibles, à travers leurs formes propres, des dynamiques conflictuelles de transmission, de transformation et de déstabilisation des catégories de pensée autres que celles du modèle de la crise.

Enfin Natura interrogera encore les bouleversements écologiques contemporains, non seulement comme événements affectant les milieux vivants, mais comme révélateurs des limites épistémologiques de la notion de crise elle-même. Renoncer à concevoir la crise comme une catégorie explicative univoque ouvre la voie à une pensée du vivant plus attentive aux continuités, aux interdépendances, à d’autres temporalités. Ainsi l’exploration des formes esthétiques et narratives par lesquelles les œuvres littéraires et artistiques réarticulent les relations entre humains et non-humains et insistent sur les modes d’enchevêtrement perceptif, énonciatif et ontologique qu’implique la description des milieux permettra peut-être de trouver d’autres modes d’agentivité. En déplaçant les cadres de lisibilité traditionnels – centrés sur la rupture, l’exception ou la catastrophe – le thème veut faire émerger de nouveaux régimes de représentation du vivant à même de reconfigurer les modalités de notre engagement sensible et conceptuel avec le monde naturel.