Porteurs : H. Ménard, N. Vidoni (TELEMMe AMU)
Le séminaire, devenu inter-équipe, se resserrera autour de la question de l’impact de la justice (ou plutôt des justices, dans leur pluralité, en élargissant aux diverses modalités de règlements des conflits) dans la définition et la reconfiguration des autorités en ville. Avec les finances, la justice a été au cœur de l’analyse du gouvernement de la ville, mais elle a souvent été abordée sous l’angle du fonctionnement de l’institution judiciaire et des conflits de juridiction. Cette approche classique peut être enrichie par la prise en compte des configurations de pouvoir à une échelle plus grande.
L’accent sera mis sur la façon dont la justice peut être un révélateur des tensions entre différents pouvoirs institutionnalisés (central, municipal), entre les gouvernements et différents groupes. La justice est un enjeu de pouvoir et constitue pour cela un point de cristallisation des tensions. Son autorité peut être remise en cause – la légitimité de l’autorité à juger doit être renouvelée en permanence, notamment par sa mise en scène. Elle peut devenir un champ à se réapproprier par la contestation, pour revenir à sa fonction première : réguler les relations au sein de la cité et obtenir un consensus autour de la solution adoptée pour mettre fin à un conflit. La contestation de la justice et sa politisation seront abordées à travers différents moments et lieux : les procès, la prison, enfin l’exécution des sentences.
Cela conduira à s’interroger sur les lieux de justice, par exemple à travers l’émergence du palais de justice comme lieu de pouvoir mais aussi de contestation de l’autorité judiciaire ou politique. De la même manière, les lieux et formes d’exécution des décisions judiciaires peuvent être étudiés selon ces nouvelles perspectives. Ces dernières sont plus attentives aux gestes, à l’organisation des espaces, à leur insertion dans une ville ou un espace rural, aux émotions que les exécutions induisent et à leurs conséquences politiques.
Les manifestations directes (émeutes) ou indirectes (pamphlets, « voix ») de la contestation et la façon dont elles se diffusent dans l’espace urbain seront envisagées. Leur contenu permet de dégager les « déviances » ou « pathologies » qui conduisent à cette contestation, selon la perception de certains groupes. Elles suscitent alors des émotions diverses. Elles seront analysées comme portant atteinte au « commun » que constitue la justice : corruption, déviances personnelles, remise en question d’un régime politique. Elles permettront également de comprendre comment un « savoir » judiciaire portant sur les sociétés et les espaces sociaux a pu être constitué, sous des formes variées, lequel a orienté par un effet réflexif les pratiques et les savoirs juridiques eux-mêmes.
Une collaboration avec l’équipe d’appui « Criminocorpus » sera mise en place.
La méthodologie privilégiera les études de cas, sur la longue durée (de l’Antiquité à nos jours) et dans des espaces (Empire romain, Espagne, Italie, France) qui correspondent à la dimension méditerranéenne affirmée des deux laboratoires porteurs. Le dialogue sera continué entre disciplines (histoire, sciences politiques, sociologie) et entre périodes, en poursuivant la mise en évidence de notions et concepts communs qui ont permis un enrichissement épistémologique et méthodologique lors de la précédente accréditation.



