Le mouvement féminisme connaît aujourd'hui un véritable renouveau et il paraît donc important qu'un laboratoire interdisciplinaire tel que CRISES donne toute sa place à la muliplicité des thèmes, objets et questions liées à ces mouvements et à ces études. Ainsi, ce projet porté par Aline Estèves, Aurélie Knüfer, Catherine Pascal (IRCL), Vanina Mozziconacci a pour vocation d'être largement transversal, et d'emprunter ses méthodes et objets d'analyse à travers différents domaines scientifiques : lettres classiques, lettres modernes, philosophie, sociologie, arts plastiques et cinéma, avec une ouverture prononcée vers la culture populaire contemporaine, dont on peut supposer qu'elle est particulièrement propre à ouvrir sur notre actualité sociale les réflexions qui seraient menées en diachronie.
Il s'agit d'aborder la question des relations de pouvoir et des représentations culturelles produisant la marginalisation, réelle et symbolique, des femmes dans la société occidentale. Mais il s'agit également de voir comment c'est depuis leur position de marginalité, parfois en l'assumant et en la revendiquant, que certains groupes de femmes ont pu construire des théories critiques, inventer de nouvelles formes de sociabilité et mener des luttes féministes. L'accent est mis sur l'étude diachronique de certaines catégories de femmes : femmes guerrières, magiciennes et sorcières, prostituées et femmes de « mauvaise vie », sportives, lesbiennes et transgenres, etc. Les objectifs dialectiques sont complexes : travailler sur la représentation genrée de l'Antiquité à nos jours, et analyser les processus de répétition, de variation, d'adaptation typologiques qui se font jour sur le temps long ; cibler les processus de validation ou d'exclusion propres éventuellement à une époque, un média (comme le web), un milieu professionnel ou social (comme la politique, le journalisme, etc.) ; travailler sur le rapport qu'entretiennent les représentations d'une société avec la production culturelle (effets d'anticipation, de modelage, d'adaptation), et voir comment répertorier, analyser, et déconstruire les processus d'exclusion genrés propres aux figures de femmes ; interroger la possibilité de transférer des méthodes d'analyse d'un domaine scientifique à un autre, et les limites éventuelles d'une telle transposition ; voir comment, par quels processus et avec quelles limites éventuelles, certaines figures d'exclusion finissent par être validées ou même valorisées (par ex. la figure de la guerrière).
Aborder la question du genre via le processus de marginalisation et de dépassement de la marginalité permet notamment d'envisager la manière dont les femmes, le plus souvent exclues du champ de la production littérature, philosophique et scientifique, ont pu contester cette exclusion en produisant une critique radicale des critères de légitimation et de validation. À terme, le travail permet de révéler la répétition figée de certains processus relevant de la stéréotypie ou de l'impensé, et mettre à jour des « matrices » sophistiques, qui contraignent la pensée, et persistent à fixer des cadres de représentation, de validation, et d'exclusion, dont les codes peuvent s'avérer anachroniques, ou au contraire évolutifs.
Des échanges ont lieu en local avec les collègues de l'IRCL, du CEMM, de DIPRALANG, et LLACS, du LERSEM, et d'EMMA. Les actions envisagées pour le prochain quadriennal comporteraient : un séminaire bi-annuel ou tri-annuel ; deux journées d'études avec publication des actes ; un colloque international avec publication des actes.
Dernière mise à jour : 23/04/2024