Programme 6 : Description et éloge des lieux

Description et éloge des lieux

Méthodes et principes du laboratoire d’invention des territoires

Ilaria Agostini, architecte ; Daniel Bartement, géographe ; Hélène Guérin, historienne d’art ; Daniele Vannetiello, architecte.

 

Nous partageons ce constat : la géographie et l’histoire de l’art et de l’architecture ont en commun la description et l’éloge des lieux. Deux pratiques qui fondent une responsabilité des historiens d’art et des géographes envers leurs objets respectifs, les œuvres et les lieux ; les lieux considérés comme œuvres, et les œuvres considérées comme lieux. Ces pratiques sont constitutives dans l’invention des territoires. Invention, c’est-à-dire figuration, problématisation et authentification. Quant au territoire, il s’agit du territoire entendu comme espace approprié, mais aussi examiné dans sa triple dimension temporelle : le territoire patrimoine, le territoire projet et le territoire de compétence.

Il est proposé ici d’explorer le rôle de nos disciplines et de leurs méthodes dans l’établissement d’entités territoriales, depuis le « XIXe siècle avec la naissance de la critique d’art et du tableau régional » (André Chastel, 1984) jusqu’aux Z.A.D. contemporaines et autres formes de refus de déterritorialisations. Ces processus de déterritorialisation et les conflits provoqués révèlent l’opposition entre iconographie et circulation. L’iconographie assure la stabilité de l’entité territoriale (à différentes échelles, d’un quartier à une nation en passant par la ville et le pays) ; la circulation des hommes, des œuvres, des conceptions, des marchandises et des capitaux, elle, dissout ces entités.

 

Terrains et travaux, parcours et récits.

Nous partons donc des pratiques de construction, destruction, fabulation, légitimation théorique, modes de figuration, problématisation et d’institutionnalisation des territoires. Celles-ci artistiques, critiques, descriptives, discursives, révèlent des territorialisations et de déterritorialisations et leurs enjeux environnementaux, sociaux et anthropologiques.

Notre programme a été lancé en novembre 2021 par un premier séminaire « La description et l’éloge des lieux comme méthodes et principes du laboratoire d’invention des territoires », le 27 novembre 2021 (voir les affiches des programmes infra). Il s’est agi de préciser les contenus, les problématiques, les méthodes et les moyens mis en œuvre. Le principe initial est de croiser les regards entre des associations, des élus, des services de l’État, des institutions étrangères, universités, musées, bibliothèques.

Cette manière de mêler théorie et pratique relève aussi de la planification par en bas prônée par le biorégionalisme posture théorico-pratique synthétisée par Alberto Magnaghi (Le principe territoire, préface de Thierry Paquot, éditions Eterotopia France/Recherches, Paris, 2022, traduction Hélène Guérin et Daniel Bartement).

L’observation participante nous conduit à faire partie de comités scientifiques d’associations et de collectifs prenant pour objet la défense du paysage, de l’environnement, des territoires tant en France qu’en Italie. Depuis 2022, Hélène Guérin et Daniel Bartement sont devenus référents et membres du comité d’animation du Réseau Paysage Occitanie (https://www.reseau-paysage-occitanie.fr).

Quatre champs théoriques et pratiques rassemblent les parcours et récits de recherche :

 

- Le tableau régional et la critique d’art comme symptômes et matériaux de la fondation d’entités territoriales.

Ce thème a été inauguré par les travaux d’Hélène Guérin en Italie et au Japon. Ainsi la construction de l’histoire de l’art en Sicile au XIXe siècle par le tableau régional et la critique au service d’un roman national ; aujourd’hui au Japon des formes artistiques et décoratives permettent de s’interroger sur la déconstruction du récit impérial au bénéfice de nouveaux récits régionaux.

Un séminaire international franco-iranien « Mythes, récits, pratiques du paysage en Iran : donner à voir une identité nationale » les 6 et 7 avril 2022, s’est déroulé pendant deux jours en deux lieux, Montpellier (Université, site Saint-Charles) et Villemagne l’Argentière, ayant pour propos la littérature épique persane et l’invention des lieux ainsi que de croiser les regards franco-iraniens sur l’eau et les paysages.

 

- L’approche du tourisme comme mobilité source de distinction sociale et distinguant les lieux, outil de destruction des territoires.

Quelles sont aujourd’hui les « iconographies » les imaginaires qui autorisent des perspectives de résistances dans les lieux saisis par le tourisme ? Quels sont les contre-projets capables de dessiner et de définir des alternatives désirables, souhaitables et possibles ?

Parmi les travaux d’Ilaria Agostini : Firenze fabbrica del turismo, perUnaltracittà, 2020 ; La Città invisibile, 2021.

Travaux de Daniel Bartement sur le Fonds Philippe Lamour : le tourisme outil stratégique de transformation des territoires à travers la mise en place de la Compagnie nationale d’aménagement du Bas-Rhône, du Plan Sardaigne et de la Zone pilote de l’Épire. (Daniel Bartement, « Hérault de paysages en paysages », Études héraultaises, n° 57, 2021)

 

– Usage de l’histoire, liens aux œuvres artistiques et aux modèles urbains : recyclages et transferts.

Comment s’élabore un nouveau paradigme de l’urbanisme en Chine ?

Si Shanghai est présentée comme la « modernité urbaine » en Chine, c’est Dalian, ville fondée par les Russes en 1901-1902, structurée comme tête de pont industrialo-militaire par les Japonais de 1925 à 1945, puis occupée par les Soviétiques jusqu’en 1949 qui a été choisie lors de sa réappropriation chinoise par Mao comme « Ville modèle » du socialisme urbain. Avec Yinan Wang, docteur en géographie, nous étudions l’histoire urbaine courte, mais dense, de cette cité dont les derniers développements s’inscrivent dans la perspective du « développement durable » et de la « Cité-jardin ». Serait-il possible que la « Cité-Jardin » d’Ebenezer Howard devienne le nouveau paradigme de l’urbanisme en Chine ?

La place du cimetière dans la cité, son rôle et ses effets artistiques, architecturaux et urbains ont été le propos d’une Journée Thématique d’Échanges du Réseau Paysage Occitanie « Grands équipements structurants, usages et fabriques du paysage urbain : l’exemple du cimetière métropolitain de Grammont », le 24 mai 2022.

 

- Le biorégionalisme réponse théorique et pratique à la destruction des territoires.

Les nombreux travaux d’Ilaria Agostini et Daniele Vannetiello, leur participation à l’élaboration du plan paysager de la Toscane, à l’élaboration du plan de la Province de Florence ainsi que leur engagement dans la défense des territoires nous permettent de contribuer au transfert de l’Italie vers la France des acquis territorialistes et biorégionalistes. Un fil rouge relie ces transferts, l’ambition d’augmenter la conscience territoriale des habitants. (Ilaria Agostini : https://www.unibo.it/sitoweb/ilaria.agostini/pubblicazioni ; Daniele Vannetiello, Verso il progetto di territorio. Luoghi, città, architetture, Aion, 2009).

Depuis 2024, une nouvelle série de travaux sont rassemblés sous le thème Paysage, intention ou résultats ?

Un séminaire a été organisé le 24 janvier « Peindre, écrire, décrire, inventer un monde : les lieux montpelliérains dans l’œuvre du peintre Richarme (1904-1991). Cela contribue autant à éclairer les rapports entre les œuvres et les lieux qu’à saisir les processus de territorialisation/déterritorialisation en cours : destruction d’un patrimoine naturel, historique et artistique que l’on proclame par ailleurs à sauvegarder.

Un séminaire « Le ZACquisme, cet anti-paysage ? » a été organisé le 3 février, en lien avec des collectifs d’associations.

 

2021

2022

2024

 

Dernière mise à jour : 07/06/2024