LUCIANI Sabine

 

Professeur de langue et littérature latines à l’Université d’Aix-Marseille

 

Née en 1967, je suis maître de conférences HDR en langue et littérature latines à l’université Paul Valéry – Montpellier III depuis 1998 et directrice de l’UFR de Lettres, Arts, Philosophie, Psychanalyse depuis mai 2008. Membre du département de Langues et Littératures Anciennes, je dispense des cours de langue destinés aux débutants et aux confirmés ainsi que des cours de civilisation romaine et de littérature latine. Je travaille sur la philosophie hellénistique et romaine, et en particulier sur la réception des différentes doctrines philosophiques à Rome.

Je me suis beaucoup intéressée à la philosophie épicurienne et notamment à l’œuvre de Lucrèce. Dans ma thèse de doctorat nouveau régime, publiée en 2000, j’ai étudié la notion de temps dans le De rerum natura : L’éclair immobile dans la plaine, philosophie et poétique du temps chez Lucrèce, Bibliothèque d’Etudes Classiques 21, Editions Peeters, Paris, 2000. J’ai tenté d’y montrer comment, chez Lucrèce, philosophie et poésie aident à surmonter le malheur des temps par la contemplation du tempus aeternum, qui révèle l’équilibre global au sein des désordres particuliers, issus des lois du mouvement. Dans le sillage de ce premier travail, j’ai publié plusieurs articles sur les divers aspects du temps et sur les modalités de la synthèse entre philosophie et poésie dans le De rerum natura.

Ces différents travaux m’ont amenée à m’interroger sur les sources de Lucrèce et sur ses rapports avec les prédécesseurs de son maître Epicure. Cette question renvoie à la revendication épicurienne d’originalité et au statut particulier de Démocrite au sein du jardin. Les Anciens, et notamment Cicéron, voyaient en Démocrite le maître d’Epicure et reprochaient à ce dernier, qui s’affirmait comme un autodidacte et reniait toute influence, d’avoir plagié et même gâté la philosophie de l’Abdéritain. En tant qu’épicurien romain, Lucrèce a été confronté à une situation délicate : il lui fallait assurer la défense d’Epicure en butte aux accusations d’ingratitude et de plagiat. En fonction de cette problématique d’ensemble, je me suis efforcée de souligner dans une série d’articles les enjeux polémiques qui sous-tendent les références lucrétiennes à Démocrite.

Si Lucrèce réfute les philosophes présocratiques pour défendre et légitimer la philosophie épicurienne, les premiers apologistes chrétiens en feront de même avec la philosophie gréco-romaine. C’est pourquoi, il m’a paru intéressant d’étudier la réception des doctrines philosophiques dans la littérature chrétienne. De ce point de vue, le cas de Lactance, qui propose dans son premier traité chrétien un bilan critique des savoirs antiques sur l’homme, est particulièrement significatif. Dans le De opificio Dei, Lactance mobilise en effet ce que nous appellerions aujourd’hui son « bagage culturel », constitué en majorité de classiques latins, et ne donne quasiment aucune place aux références explicitement chrétiennes. Les enjeux philosophiques et idéologiques de ce texte atypique méritaient par conséquent une étude approfondie dans la perspective de l’histoire des idées. Ce travail a donné lieu à un colloque organisé à l’université de Montpellier en novembre 2005 : « Entre philosophie et médecine. Le De opificio Dei de Lactance ». L’objectif de ces journées était de confronter les points de vue pour restituer le sens du texte lactancien. Le regard croisé des philologues, des patristiciens, des historiens de la médecine et de la philosophie a en effet permis de mieux situer cet opuscule dans une tradition philosophico-médicale, appelée à se perpétuer jusqu’au Moyen Age.

La notion de temps demeure cependant le point nodal de mon activité scientifique : il s’agit de s’interroger sur le statut général du temps dans la littérature latine du 1er siècle avant notre ère afin de déterminer les rapports de l’expérience, de la réflexion philosophique et de la littérature au sein des différentes conceptions romaines du temps. Commencée auprès du poète-philosophe Lucrèce, cette enquête sur le temps romain s’est poursuivie de façon ponctuelle chez deux autres poètes, Catulle et Virgile, auxquels j’ai consacré trois articles. Bien entendu, la philosophie n’occupe pas, chez ces poètes, une place aussi importante que dans le De rerum natura. Mais l’étude de leur conception du temps permet d’apporter une lumière nouvelle sur les liens qu’ils ont tissés entre philosophie et poésie. Cette réflexion sur le statut du temps s’étend actuellement à l’œuvre philosophique de Cicéron, qui fait l’objet principal de mon Habilitation à Diriger des Recherches, « Temps et Philosophie à Rome », soutenue en juin 2008. L’ouvrage original présenté au jury à cette occasion s’intitule : Studium aternitatem imitandi. Temps et éternité dans les Tusculanes et dans la philosophie cicéronienne. Au sein de l’équipe CRISES, je participe actuellement aux travaux du groupe « Quid noui ? », qui portent sur la perception de la rupture de l’Antiquité à nos jours.

Principales publications :

Ouvrages :

Entre mots et marbre. Les métamorphoses d’Auguste (avec la collaboration deP. Zuntow éd.), Bordeaux, Ausonius (Collection Scripta antiqua 82), 2016, 288 p.

 

Présentation de l’éditeur :
Le succès remporté par la somptueuse exposition “Moi, Auguste, empereur de Rome… ”, qui s’est tenue au Grand Palais en 2014 à l’occasion du bimillénaire de la mort du princeps, témoigne de la fascination exercée, aujourd’hui encore, par Octave-Auguste, qui fut le fondateur du principat tout en se présentant comme le défenseur des libertés et le restaurateur de la res publica. Or, parallèlement à l’iconographie officielle, la littérature offre un précieux témoignage sur les ambiguïtés politiques, juridiques, morales, sociales et culturelles qui caractérisent l’action du prince et la mise en place du nouveau régime. Cependant, pour être des témoins lucides de leur temps, Virgile, Horace, Ovide, Tite-Live et les autres n’en furent pas moins des acteurs influents, qui contribuèrent non seulement au renouvellement des formes artistiques, mais à l’élaboration d’un nouvel imaginaire politique. Les contributions rassemblées dans le présent volume, qui est issu du colloque “Auguste en mots”, organisé dans le sillage de l’exposition parisienne examinent la relation – tantôt harmonieuse, tantôt conflictuelle, mais toujours ambigüe – entre sphère politique et sphère littéraire autour de l’image d’Auguste.

The success of the sumptuous exhibition “Moi, Auguste, empereur de Rome”, which was organised in Paris in 2014 for the bi-millennium of the princeps’ death, shows that Octavian-Augustus, who founded the principate while defending the cause of liberty and res publica, is still nowadays fascinating people. Yet, concurrently with the official iconography, literature gives valued testimonies on the political, legal, moral, social, and cultural ambivalence which depicts the prince’s action and the set up of the new regime. But, even if they have been lucid witnesses of their time, Vergil, Horace, Ovid, Livy, and the other writers played also a crucial part in the renewing of artistic forms and in the drawing up of a new political imagery. The articles collected in this volume, which originates from the symposium “Augustus in words”, organised in the wake of the Parisian exhibition, focus on the relationship – sometimes harmonious, sometimes conflicting, but always ambivalent – between Politics and Literature, around Augustus’ image.

– Quid novi. Vivre, penser et dire la nouveauté Ouvrage coordonné par  Laure ÉCHALIER, Charles GUÉRIN, Sabine LUCIANI et Brigitte PÉREZ-JEAN, Montpellier, PULM, 2013, 514 p.

 

Présentation de l’éditeur :
La nouveauté prend des formes différentes selon que l’environnement social et culturel dans lequel elle s’inscrit la valorise ou cherche à l’étouffer : subversion, révolution, transformation, changement, innovation, renouveau, renaissance ou rupture. Si la « fureur de la nouveauté » est considérée, d’Euripide à Goethe, comme un facteur agissant de la psychologie humaine, la notion de rupture, aujourd’hui nettement valorisée, comportait un statut problématique dans les mondes anciens. Comment en effet vivre et penser la fracture temporelle au sein d’une culture qui conçoit la nouveauté comme une transformation de la tradition ? Quels outils les lettrés qui choisissent de se faire les agents d’une révolution intellectuelle peuvent-ils employer pour se libérer de l’autorité d’une tradition ? Quels types de discours et d’actes viennent accompagner ces phénomènes de rupture ? C’est cette problématique, au confluent de l’histoire des idées et des mentalités, que se proposent d’éclairer les contributions rassemblées dans le présent volume. Il s’agit de confronter les époques, les traditions et, plus encore, les méthodes d’analyse afin de répondre au défi que pose la notion de nouveauté depuis l’Antiquité.

Une journée à Cyrène. Lecture du ‘Rudens’ de Plaute, de Bénédicte DELIGNON, Sabine LUCIANI et Pascale PARÉ-REY. Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2011, 210 p.

 

Présentation de l’éditeur :
Le Rudens ou Le Cordage — l’une des vingt et une comédies conservées sur les cent trente qui furent attribuées à Plaute — occupe une place à part dans le corpus plautinien comme dans le théâtre latin. Outre les problèmes posés par les rapports de Plaute à sa source grecque, cette palliata, composée au tournant du IIe siècle avant notre ère, réserve en effet bien des surprises, de son titre énigmatique à son dénouement amoral en passant par son intrigue romanesque, son prologue édifiant, sa composition paratactique, son décor maritime, son chœur de pêcheurs misérables, sa tonalité paratragique, ses héroïnes au noble cœur et leur émouvant lamento. C’est de cette partition théâtrale, atypique par bien des aspects, que les contributions réunies dans le présent volume proposent de renouveler l’interprétation. Respectivement centrées sur des questions structurelles, génériques, métriques, caractérologiques et thématiques, ces études permettent de dégager les enjeux idéologiques, poétiques et dramaturgiques de la pièce. Plus largement, elles apportent un nouvel éclairage sur l’étrange spécificité de la comédie latine et sur une période mal connue de l’histoire du théâtre.

Les dialectiques de l’ascèse, s. dir. Brigitte PÉREZ avec la collaboration de Michel FOURCADE, Pierre-Yves KIRSCHLEGER et Sabine LUCIANI. Paris, Classiques Garnier, 2011, 425 p.

 

Présentation de l’éditeur :
Des paganismes aux christianismes, la notion d’ascèse a traversé différents univers linguistiques, constructions philosophiques et théologiques de la chair, appareils de légitimation de sa pratique. Dans sa rencontre avec la théologie chrétienne, l’ascèse signifie l’entraînement de l’âme à la pratique des vertus et au renoncement, inspirant les règles de vie monastique, avant de donner lieu aux controverses mystiques des siècles classiques et aux débats théologiques et politiques de l’époque contemporaine.

– B. BAKHOUCHE, S. LUCIANI, Lactance La création de Dieu, intr., trad. et notes, Brepols (coll. « Philosophie et monothéismes »), Turnhout, 2009, 250 p.

L’éclair immobile dans la plaine, philosophie et poétique du temps chez Lucrèce, Bibliothèque d’Études Classiques 21, Éditions Peeters, Louvain/Paris, 2000, 343 p.

Le De opificio Dei : Regards croisés sur l’anthropologie de Lactance, B. BAKHOUCHE et S. LUCIANI (édd.), Centre Jean Palerne, Mémoire XXXI, Publication de l’Université de Saint-Étienne, 2007, 205 p.

 » Le De opificio Dei paraît être une incongruité aussi bien dans l’œuvre de Lactance que dans la littérature latine, et c’est peut-être cette singularité même qui explique le peu d’intérêt que lui a accordé la critique. Et pourtant… le titre de Cicero Christianus que lui donnera Pic de la Mirandole résume à merveille la double tension qui parcourt à la fois l’auteur et son œuvre. Professeur de rhétorique chrétien, Lactance, dans le De opificio Dei, veut rivaliser assurément avec son illustre prédécesseur, dans un mélange d’aemnulatio et de retractatio cher à l’esthétique antique, mais il n’hésite pas, non sans une certaine outrecuidance qui s’oppose aux faux-aveux d’incompétence et d’indignité de ses pairs, à leur fausse modestie affichée, à affirmer clairement son souci de dépasser son modèle. D’un autre côté, ce converti de fraîche date au christianisme n’affiche guère ici ses convictions religieuses, ce qui a conduit la critique à taxer notre auteur de « crypto-chrétien ». C’est dire que les ambiguïtés génériques, thématiques et structurelles qui caractérisent le De opificio Dei méritent d’être envisagées à nouveaux frais. La dimension littéraire est étudiée dans la double perspective du « Nachleben » et du « Vorleben ». L’opuscule est par ailleurs mis en perspective avec l’ensemble de l’œuvre, à travers les relectures par l’auteur lui-même et ses ajouts dont le sens est réinterrogé, mais également avec d’autres textes chrétiens. Enfin, « la création de Dieu » dont il est question ici est l’homme, et Lactance nous offre un mini-traité d’anatomie et de physiologie du corps humain dans une perspective finaliste qui était déjà celle de médecins-philosophes comme Galien mais qui se perpétuera jusqu’aux temps modernes. Les études recueillies dans le présent ouvrage ne sauraient apporter une réponse univoque aux questions posées par le texte. Elles permettent cependant de situer Lactance au double confluent de la tradition antique et de la tradition chrétienne, d’une part, et de l’héritage culturel et médical, d’autre part, en même temps qu’elles se présentent comme différents points de vue de philologues, patristiciens, historiens de la médecine et de la philosophie et, à ce titre, comme autant de « regards croisés sur l’anthropologie de Lactance ».

Articles :

– « … Et dulcis moriens reminiscitur Argos (En. X, 782), quelques remarques sur le vocabulaire du temps chez Virgile », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, juin 1997, p. 117-137.

– « Nouveauté et permanence chez Lucrèce », Revue des Etudes Latines 76, 1999, p. 126-138, 13 pages.

– « Lucrèce et le temps historique », Vita Latina 153, mars 1999, p. 2-14.

– « Philosophie et esthétique du mouvement dans le De rerum natura », dans R. Poignault (éd.), Caesarodunum XXXII bis, Actes du colloque Présence de Lucrèce (Tours, décembre 1998), Centre de Recherches A. Piganiol, Tours, 1999, p. 65-76.

– « Temps, amour et poésie chez Catulle », Euphrosyne, 28, 2000, p. 63-84.

– « Les dieux sont de retour : mythologie et poésie dans l’œuvre de René Char », dans R. Poignault (éd.), Caesarodunum XXXIII bis, Actes du colloque Présence de l’Antiquité grecque et romaine au 20ème siècle (Tours, décembre 2000), Centre de Recherches A. Piganiol, Tours, 2002, p. 85-99.

– « Regards lucrétiens sur les guerres puniques », Vita Latina 165, mars 2002, p. 2-15.

– « Lucrèce et la psychologie démocritéenne », Vita Latina 167, décembre 2002, p. 22-36.

– « Veteres Graium docti poetae. Ancienneté et tradition poétique chez Lucrèce », dans B. Bakhouche (éd.), L’ancienneté chez les Anciens, Montpellier, 2003, tome II, p. 457-479.

– « Philodème et la « réhabilitation » de Démocrite dans l’épicurisme », A. Monet (éd.), Le jardin romain. Epicurisme et poésie à Rome, Mélanges offerts à Mayotte Bollack, Lille, 2003, p. 119-135.

– « Présence de Démocrite dans l’astronomie lucrétienne », Euphrosyne 31, 2003, p. 83-98.

– « La mort de Démocrite dans le De rerum natura. Quelques remarques sur le catalogue des morts illustres », Revue des Etudes Latines 81, 2004, p. 97-111.

– « Amour sacré et amour profane chez Catulle et Lucrèce », dans R. Poignault (éd.), Caesarodunum XXXIV bis, Actes du Colloque Présence de Catulle et des poètes élégiaques latins (Tours, décembre 2002), Centre de Recherches A. Piganiol, Clermont-Ferrand, 2005, p. 151-166.

– Notice « Memmius », dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, tome IV, CNRS éditions, Paris, 2005, p. 393-400.

– « Explicare quod homo disertissimus paene omisit intactum : présence de Cicéron dans le De opificio Dei de Lactance », dans B. Bakhouche et S. Luciani (éds.), Le De opificio Dei : Regards croisés sur l’anthropologie de Lactance, Centre Jean Palerne, Mémoire XXXI, Publication de l’Université de Saint-Etienne, 2007, p. 33-49.

– « Démocrite, Epicure, Lucrèce. L’originalité épicurienne en question », Vita Latina 176, juin 2007, p. 93-106.

– « Le rire des atomes », Actes du XVème Congrès de l’Association Guillaume Budé, La Poétique, théorie et pratique (Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines d’Orléans-La-Source, 25-28 août 2003), Paris, Belles Lettres, 2007, p. 432-441.

– « D’aiôn à aeternitas. Le transfert de la notion d’éternité chez Cicéron », Actes du Colloque annuel du GDR « Ars scribendi » n° 2643, UMR 7597 : Acculturation et réécritures à Rome : dynamiques et contrastes (E.N.S. Lettres et Sciences Humaines de Lyon, 14 et 15 octobre 2005), Interférences 4, 2006, Transferts, http://ars-scribendi.ens-lsh.fr/

– « Cypsélos, Pisistrate, Phalaris, Denys et les autres : la figure du tyran dans l’œuvre philosophique de Cicéron », in O. Devillers et J. Meyers (édd.), Pouvoir des hommes, pouvoir des mots, des Gracques à Trajan, Hommage au Professeur Paul Marius Martin, Louvain/Paris, Peeters, Bibliothèque d’Études Classiques, 2009, p. 151-166.

 

Dernière mise à jour : 31/01/2024