Un accord de coopération scientifique réunissant l’Université Paul-Valéry (C.R.I.S.E.S.), l’Université de Birzeit et la Direction palestinienne des Antiquités a été signé en 2013 pour l’étude archéologique et patrimoniale du site de Tell Qilah, situé à une quinzaine de km au nord-ouest d’Hébron en Territoires Palestiniens. L’Université de Birzeit n’est venue qu’une fois sur le site, en 2014, alors que la guerre à Gaza n’avait pas permis la venue de l’équipe de l’UM3. Les campagnes de l’UM3 ont commencé en 2015. Depuis 2017, c’est cette seule équipe qui est chargée par la Direction des Antiquités de l’étude de l’ensemble des problématiques et de la fouille sur le site (voir figure ci-dessous).
Tell Qilah est un site connu par plusieurs mentions dans l’Ancien Testament (Jos. 15 : 44, Ne 3 : 1 3 s et surtout 1S 23 : 1-13 où il est signalé comme l’un des lieux que David, alors qu’il fuit l’hostilité de Saül, délivre de la pression d’une troupe de Philistins). Ce récit est repris par Flavius Josèphe (Ant. VI, 271-274). Cependant il existe déjà plusieurs mentions antérieures de cette ville dans les Lettres d’Amarna (EA 65, 279, 280, 287, 289, 290), et il fait partie d’une liste de toponymes figurant sur deux fragments des manuscrits de Qumrân (4Q522, 9i et 10 et 5Q). Enfin, Eusèbe de Césarée en parle sous les deux entrées de « Echela » et « Keeila » dans son Onomasticon (446/88 :26 et 591/114 : 15), comme étant le lieu de sépulture du prophète Habakkuk, lieu proche d’Éleuthéropolis, et situé à huit miles d’Hébron. Cette tradition est reprise par Sozomène (HE, VII, 29, 2), qui relate comment cette tombe fut retrouvée grâce à une vision divine envoyée à l’évêque d’Éleuthéropolis. Les prospections anciennes et celles, plus récentes, des Israéliens, témoignent de la permanence de l’occupation du site à ces périodes, du Bronze jusqu’à la période médiévale (au moins mamelouke), et même ottomane, quasiment sans solution de continuité. Nos recherches depuis 2015 ont mis en évidence cette continuité, avec peut-être, toutefois, une interruption aux époque omeyyades et abbassides.
Le site se présente aujourd’hui sous la forme d’un « tell » qui n’est plus occupé aujourd’hui que par des cultures, sur les flancs duquel apparaissait, bien avant nos interventions, une portion du mur de fortification et l’amorce d’une tour (voir les figures ci-dessous). Nous avons pu, à travers des prospections et quelques sondages de vérification, établir le tracé quasi-complet du mur (quelques 800 m de long pour une largeur de 3,30 m), mis à part certaines parties qui ont dû être affectées par des destructions au bulldozer pour l’aménagement des terrasses agricoles. Nous avons aussi achevé le dégagement de la tour qui semble être unique. Elle est liée au mur et, comme celui-ci, construite en blocs sommairement équarris de moyen appareil. Elle fait 11 m le long et 4,90 m d’épaisseur. Cette fouille, bien que rendu délicate par des « recherches » clandestines antérieures, nous a aussi permis de proposer une datation de l’ouvrage ; une infime minorité du matériel céramique remonte au Bronze ancien ainsi qu’au Bronze moyen, mais la très grande majorité de ce matériel est datée de l’âge du Fer ; c’est sans doute à cette époque aussi que le mur de fortification est restauré et recouvert d’un glacis. Il nous faut cependant pratiquer de nouveaux sondages pour avoir confirmation de ces datations.
Nous avons aussi mené des prospections sur les pentes du tell, au-delà de la fortification, et sur les collines et falaises alentours. Nous avons ainsi répertorié une cinquantaine de tombes, dont trois datent du Bronze, la plupart ayant été aménagé à l’âge du Fer, mais souvent utilisées jusqu’à l’époque protobyzantine. Nous avons fouillé six d’entre elles, bien seul y restât du matériel résiduel après pillage.
Après des résultats peu convaincants de fouilles sur les secteurs 1 et 2, où des prospections, elles-mêmes peu probantes, nous avaient menés, nous avons aussi fouillé, en contrebas des pentes orientales du tell un bâtiment à vocation agricole ou artisanale, datée de la fin de la période romaine et du début de la période protobyzantine (secteur 4).
Enfin, sur le somment du tell, sur le secteur 5 nous avons mis au jour d’abord une cuve baptismale, inscrite dans un sol recouvert de mosaïque blanche et identifié par une inscription mosaïquée portant le nom des donateurs, l’un, un prêtre d’origine grecque ou hellénisée (Antôninos) et un diacre au nom d’origine locale (Aianès) (voir figure à droite). Ces vestiges peuvent être datés d’une période allant du IVè s. au VIè ap. J-C. Un sol légèrement postérieur, lui aussi constitué d’une mosaïque aux tesselles blanches, a été identifié. Une église devait y être accolée au nord. Trois colonnes (dont deux étaient encore surmontées de leurs chapiteaux inscrits de croix) lui appartiennent très vraisemblablement. Cette église constituait notre objectif en 2019, mais la mise en culture de la parcelle et de nombreuses fouilles clandestines ont endommagé cette partie du secteur (« secteur 6 »). Cependant, nous avons mis en évidence le fait que, sur l’ensemble de ces vestiges, s’était installé un grand bâtiment (ou plusieurs petits) d’époque mamelouke. La présence de bassins contigus dans la partie sud de ces vestiges nous invitent à formuler l’hypothèse qu’il s’agit d’un bâtiment de bain.